2 min read

Quelques poèmes


Les Origines

J’ai des vieux VHS où ma mère me cajole
Et me change la couche, elle secoue mes peluches,
Mon pyjama est bleu avec des p’tites autruches,
Mon père semble tenir l’objectif sur l’épaule.

Mes yeux sont minuscules mais déjà perspicaces.
Au mur est accrochée une incroyable pendule,
Le papier-peint fait peur ; je lutte, je gesticule.
On remue le berceau mais c’est inefficace.

C’est dans une maison quelque part en Charente
Un peu avant la fin du second millénaire,
Un gros robot-mixeur est démonté par terre.
La vue par la fenêtre est tout à fait navrante.

Une Renault 5 verte est garée dans la cour,
Tous les lits sont bordés. Couple pavillonnaire,
Le parfum de l’amour inonde l’atmosphère.
Dans le jardin d’en face, la voisine crie : "Bonjour !".


Géométrie

L’amour est compliqué pour les filles à papa
Qui se font déflorer par une paire de doigts
Le jour de leurs quinze ans à l’arrière d’un buisson
Par un oncle pervers ou un très beau garçon.

Je préfère la douceur des tristes orphelines
Dont le père s’est enfui dès la phase utérine,
Léguant à leur mémoire un gouffre ravageur
Qui repousse pierrots et manipulateurs.

Les jeunes héritières précipitent un mariage,
Poursuivent une carrière, poussent des cris de rage
Sur des progénitures douées d’intelligence
Qui rayent la voiture pendant les grandes vacances.

Les filles abandonnées taisent leurs cicatrices,
Pratiquent tour à tour la passion, et le vice,
Puis, flétries par l’amour qu’elles n’ont pas reconnu,
S’éteignent oubliées dans un soupir ému.


Mardi, Place d’Italie

Je vis dans une tour au quatorzième étage.
D'ici je vois les gens, les voitures, les nuages,
Je me sens tout petit et vraiment inutile :
Il faudrait arrêter d'agrandir cette ville.

Le matin je salue la femme de ménage
En prenant l'ascenseur. Elle me rend un sourire,
Je commence à trembler juste avant de sortir ;
Ensuite, c'est foutu : je transpire, j'ai la rage.

Il y a la voisine et son joli sac bleu
Apparaissant soudain comme une révélation ;
Alors, j'essaie d'y croire, et tel un oisillon,
Je lui lance un "cui-cui" mais elle me trouve affreux.

Des notifications pleuvent sur Instagram,
J’ouvre et je vois des chats et des courbes de femmes,
J'ai quelques larmes aux yeux, je m'arrête à Carrefour ;
Je sais que quelque chose m’arrivera un jour.


Entre Les Murs

J’ai un studio, très propre, chambre avec salle de bain,
Son organisation est entièrement pratique.
Je suis l’homme soumis aux produits d’entretien,
À la moindre poussière je bade, je panique.

L’évier de la cuisine possède un beau siphon
Qui n’est jamais bouché par un bout de salade ;
Je suis l’homme obsédé par l’évacuation.
On me dit que je suis complètement malade.

Je devrais bazarder les produits corrosifs
Encore identifiables avec un pictogramme,
J’ai de légères tendances aux troubles compulsifs ;
Ma vie prend la tournure d’un petit psychodrame.

La cave est protégée avec un digicode :
J’y range mes outils dans de minces tiroirs.
Certains soirs je me heurte à des voisins qui rodent,
Je remonte chez moi en claquant des mâchoires.


Promenade

Pris dans un tourbillon de pensées angoissantes,
Je scrute dans la ville les traces de vie, absentes ;
Je vois des PMU où des migrants furtifs
Usent leurs maigres salaires dans des paris sportifs.

Dans un fast-food américain,
J’imagine mes intestins flasques.
Je balaie d’un revers de main
Des miettes de pain fantasques.

Toutes les silhouettes, comme des demi-fantômes
Glissent leurs doigts boudins sur des écrans. Les hommes
N’existent pas vraiment. Je déchire l’emballage
D’un burger en plastique débordant de fromage.

À l’entrée du shopping-center,
Boutiques à ongles, coiffeurs, soutifs,
Gens qui rigolent et gens qui pleurent
Je suis neurovégétatif.

Subscribe to our newsletter.

Become a subscriber receive the latest updates in your inbox.